Tristes existences... au zoo de Niamey
Inoussa Yunus Ocquet
L’œil du voisin
Le sourd qui s'enfuit / A parcouru, arpenté et vu / L'arbre oublié du Ténéré. / Une hyène espiègle et désabusée, / Hantée par le doux souvenir de Ndumbelaan / La reine de la forêt derrière les barreaux / Rêve de son roi esseulé. / Le hibou contraint de vivre le jour, rumine des pensées / maléfiques, / Les poissons du sombre aquarium plaignent les / pieuvres vitrifiées, / Les autruches malicieuses scrutent l'horizon tissé de grillage, assoiffées de l'infini espace du désert… / Les crocodiles nostalgiques des hommes intègres / Convoitent l'épiderme aseptisé des voyeurs / L'Aigle Royal encagé, rit du vol plané des hirondelles / Et, dans la vase du fleuve Niger aminci, / La loutre anonyme dans le filet d'eau, brasse sa solitude / qui la torture… / L'hippopotame du bassin d'eau puant, s’enfonce, / patauge et cherche la porte de la liberté ! / Le perroquet qui a perdu sa langue se morfond sur des / branches métalliques. / Le Boubou du Président se déteint sous le soleil des indépendances galvaudées… / Le Jobaria ensablé de la préhistoire dort dans un / caisson de planches étiquetées / La guenon stérile materne une poupée en plastique. / La rumeur des faiseurs de croix s'élève dans la / poussière invisible de leurs créations…
Ça et là les niaméens s'émerveillent. / Par delà ces tristes existences de pièces en exhibition, / Le présentoir de l'éternel contraste entre l'Histoire et / Dame Nature...
Spécimens, nos petits fils vous contempleront-ils ?
co-écrit par Maan Daour Wade et Yunus Ocquet
*Ndubelaan : royaume mythique des animaux de la brousse
Baobabs
Tronc majestueux / Écorce peau d’éléphant / Écorchures verticales / Promesses d’amour cicatrisées / Branches doigtées / La forêt de Baobabs / Implore le ciel