Femmes touarègues : Poésie contemporaine
Hawad : Caravane de la soif
femme touarègue Hadja Tanko Hamiche
Silhouette infinie
Une vieille, maigre, grande / voilée de hardes / un panier sur la tête / se détache du campement / Ombre arrachée à son abri / elle grimpe les falaises / bras ballants entraînés par le vent / Toutes les mélodies de l'Éternel / sont gravées dans le geste de ses bras / et sur les lacets incurvés de la route / qui ondule vers les plateaux montagneux / d'Inta
La forme de ce geste contient le rêve / du chemin qui mène au puits / dans une vie sans soif / Ce qui nous manque est inscrit dans la mélodie de chaque pas / le sourire de chaque lèvre / dans la gueule même des hyènes / et dans la silhouette de cet arbre élancé / dont les racines sont plantées / dans les entrailles de la terre / et les branches accrochées / dans l'azur des cieux
Minata A. Tambo
Tamajaq
Elle garde les chèvres / sur les dunes lissées par le vent / Elle a laissé sa tente au creux de la falaise / où rôdent hyènes, renards, charognards / sous le vélum des étoiles cieux / ternis par la fumée des usines / qui déchiquettent les entrailles de la terre / Son bébé incrusté sur le dos / grain de beauté / peau tannée par le soleil / ocre visage ridé / par les rêves suspendus / le sursaut des cauchemars / elle est assoiffée / maigre, grande, cou élancé / antilope / Elle porte un collier de croix / géométries où le cosmos est réduit en bulles de lumière / Elle est sauvage / prête à s'effaroucher / comme l'autruche chatouillée / par une araignée / Ses yeux sont aigus comme ceux d'un fennec / qui sort de son trou au crépuscule / Ses mains sillonnées de veines / bleuies par la famine angoisse
Elle tresse une natte en feuilles / pour son mari qui a conduit la caravane / hors des frontières / agenouillé par les chaines des prisons / et le brasier des tortures
ou pour son frère en exil / errant d'une étoile à une autre / pour éviter le manteau étroit des cités / et leurs cellules d'asile
non / natte trame /qui raccommode le tissage des mythes / Espoir qui détresse les douleurs / Gestes qui tisonnent la lueur des souvenirs / pour démêler les nœuds coulants / d'une vie étranglée entre sa couche et ses puits
Soigne les ailes brisées du souffle en vol / entre son gîte et sa destinée liberté / mélodie qui tranche enficelages et entraves / O mouvement de l'archet / Aiguise les lames de l'aurore / et fends la grimace des serres machines / qui troussent les jupons de la nuit / où se love le sommeil des enfants touaregs