Aman iman, l'eau c'est la vie
Poèmes de Hawad
Caravane de la soif
Sécheresse
J'ai brûlé ma tente / Sécheresse et pluie de rats / et tornade de sauterelles / n'ont pas laissé un grain-fil / dans mes greniers
Mes chèvres / je les confie au vautour borgne / Mes écrits / je les abandonne au hibou déplumé / autour duquel processionne / la chienne boiteuse tachetée / Ma raison / je la lègue à mon âne bossu / seul survivant de ma tribu
Après la fête des hyènes / peu m'importe le squelette / avec qui je partagerai la natte de poussière / dans les entrailles de la tombe
J'ignore jusqu'à quel puits / me talonneront les brûlures / Je me fous des corbeaux / qui danseront sur mon foie
Je suis ivre de délire / Les cordes qui relient ma mémoire / à son passé / sont tranchées / Les douleurs me précipitent / vers les falaises de la solitude / où les chauves-souris fêtent le deuil / des veuves
Je tournoie dans le filet des araignées / tisseuses du temps / Mon cri déchire le voile / des ténèbres de peur / Mes esprits brûlent aux flammes de la folie / Mon âme voyage sur les étincelles / vent de la flûte rompue / tonnerre de la transe / et chaînes brisées / étoiles jaillissantes / éclair foudre
Lac de lait / une brèche s'ouvre / trajet mousseux de voie lactée / Ailes du sommeil / balançoire du mirage
Hawad
Puits Michèle Ludwiczak
Levant extrait
Au puits / sur la margelle / la fourche implorante supplie / le vide / A travers le désert / l'animal titube depuis des millénaires / dévidant un fil / du levant au couchant / du couchant au levant
La corde nourricière glisse / dans les gorges de la poulie / qui geint et épouse les pleurs de la pierre / dans les nuages vacarmes du monde assoiffé / le bœuf porteur / inlassable : recrée le mouvement / de l'archet cosmique
Le disque solaire s'est incrusté / entre les cornes / d'où jaillit la lave de l'aurore / dans le miroir de la nuit
De nouveau la puisette glisse / le long des parois abruptes du puits / vers la nappe fraîche / où elle se gorgera d'une nouvelle sève / évaporée demain à son tour / dans le gouffre du crépuscule
O percussions de l'infini / répétées par les tambours du cœurs
Hawad
Pas d'amour extrait
O désert, la mort te séduit
Le temps s'enroule / en un seul pas / infini / Le soleil trébuche / dans l'oubli / Les ombres jaillissent / des crêtes des dunes / soudain silhouettes d'inquiétude / La caravane vagabonde / sur la musique du vide
Pas une tige / pour suspendre le regard / seules les notes du vent / qui rident les tempes du sable / où bat l'éclair-destin / Seule l'œillade d'une étoile / éblouie / dans les premiers rayons du jour
Gémissements confondus / chameaux et voyageurs / bourdon / sous les vibrations des cigales / brûlures
La brise allonge le pas / comme les pèlerins atones / exaltés par les tourbillons de l'égarement
Un voyageur crie / Où est la fourche du puits ? / Nous avons dépassé / depuis l'éclosion de l'œuf de la vie / des siècles de siècles / d'aridité / au galop des rêves / En coulant ces pas / avons-nous enterré Orion ?
Planté en tête, le guide / ivre, extasié / par le reflet débordant / des ondes écumes poussières / bruissement de la flûte / retour au campement de l'aimée
Le guide sourd chante / O compagnons d'errance / Suivons les courants / La délivrance est au-delà des mers / où se jette le torrent de nos souffles / A peine étanchée la soif s'enflamme / L'arrivée est le moment d'un autre départ / L'existence quand elle existe seulement s'anéantit
Cette marche vers le puits n'est pas le terme de notre soif
Ici naîtra une autre soif / qui cherchera le chemin des sources / où elle déposera sa soif
Hawad
Terre blessée A.Tambo
Testament nomade
La complainte de l'oubli extrait
Chaleur tripe fondue / calme patience de la pierre / ils ont passé une journée entière / accroupis / autour du puits / mais aucune larme n'a goutté / pas une seule gouttelette / pour mouiller le palais / d'un oisillon froissé / Le ruisseau qui courait / dans les entrailles de la terre / lézard qui caresse les paupières / du sable / a changé de parcours / ou bien s'est dissipé / aspiré par la boue séchée / dans les gerçures du néant / Absence grise / blessure béante / Au crépuscule / une vieille femme droite / comme les rênes de l'éternité / se dresse parmi la foule / et se campe sur la margelle du puits / Enfants mes enfants / revenons à nos abris / Laissons venir la nuit / elle seule apportera réponse / à nos gémissements / Et la foule dégingandée / épuisée tourne le dos / au puits / pieds raclant la poussière / Et les enfants se collent / sur la hanche des mères / chauves-souris suçant des seins / fanés et stériles / A nouveau recroquevillés / sur leurs talons / figés hébétés ils n'osent / bouger ni s'écarter de la tache / où l'ombre s'est couchée / Des yeux seulement / tendus vers le ciel / ruines guettant les nuages migrants / du Golfe de Guinée / outres gonflées d'eau / lancées à la recherche d'un refuge / vapeurs incertaines qui psalmodient / au-dessus des champs de rocailles / et de touffes roussies