Niger : Sécheresse et famine en littérature
Écrits et Poèmes
Aman Iman, l'eau c'est la vie
Kélélégui A. Mariko : Poèmes sahéliens en liberté
Au Damergou, hier grenier du Niger,
Aujourd'hui les greniers des familles sont vides.
La Terre-mère, fertile et fragile, / Partout, souffre, s'essouffle et meurt. / L'indispensable eau tombant du ciel, / Pendant des années, a fait défaut. / L'harmattan, vent du mal, vent de sable / Depuis une décennie, souffle sans arrêt, / Ensevelissant les plantes, les points d'eau, / Les villages, les jardins sous Ie sable rose. / Tristesse d'une nature morte, cependant vivante, / Désolation d'un environnement desséché / Qui se meurt, étouffé par les dunes de sable, / Les dunes de sable mouvant déchaîné, / Les dunes de L'ensablement qui tuent les champs, / Les dunes qui bravent l'intelligence de l'homme, / Réduisent à néant la Terre-mère, / Les dunes devenues nos pires ennemis au Sahel / Les dunes qui coupent les routes / Les dunes qui comblent les mares / Les dunes qui tuent les cultures, enterrent les récoltes, / Les dunes, les dunes de I'ensablement / Qui, comme une malédiction divine, / S'acharnent contre le Sahel meurtri / Recouvrant d'un linceul de sable rose, / Les villages, les hameaux et les champs.
Boureima Ada: Waay Dullu ou L'étau
Raisons d'un départ
Je quittai mon père, Ie cœur serré, malgré mon désir ardent de partir. II y avait longtemps que je ne l'écoutais plus. II ne pouvait pas comprendre que pour moi, L'existence au village était désormais impossible. Durant plusieurs années consécutives, la terre, cette bonne terre dont mon père parlait avec tant de transport, était devenue une femme infidèle et stérile, une vache sans lait, un puits tari, un portefeuille vide alourdissant inutilement la poche. Qu'importe la beauté d'une épouse si elle ne peut donner d'enfant ? La terre était devenue un citron pressé et mon père et ceux de sa génération la pressaient toujours, espérant après chaque échec y extraire un petit peu de jus. Ils s'y accrochaient comme I' enfant à la mamelle de sa mère, nourrissant chaque jour I'espoir d'un bonheur qui ne venait pas, qui ne viendrait peut-être jamais.
Moi, j'en avais assez ! Assez d'avoir usé toutes mes forces ; assez d'avoir versé mon sang ; assez d'avoir pleuré au point de ne plus avoir de larmes : j'ai mis la puisette au fond du puits et elle n'a ramené que de la boue ! La terre, cette vieille terre a rompu Ie pacte qui la liait aux hommes. Moi, j'ai rompu les derniers maillons d'une chaîne qui me retenait prisonnier au tronc d'un arbre devenu sans feuillage . Un jour tout neuf succède au vieux jour qui se meurt.
Ibrahim lssa : La vie et ses facéties
Le Sahara
Déjà chaud et flamboyant de toute sa clarté, / Le soleil parait sur la mer des flots rouges. / Nul ici n'accueille I'astre du jour, rien ne bouge ; / La nature est d'une rare âpreté. / La vie a longtemps fui ce coin deux lois maudit, / La solitude y est cauchemardesque, / La désolation terrifiante, dantesque. / Lacs et fleuves ont séché et à jamais tari. / L'enfer vert tue par son excès d'humidité / Le Sahara lui oppose son absolue nudité, / Hallucinant tableau d'un chaos lunaire. / On est confondu devant tant de mystère ; / Et c'est ainsi depuis de lointains millénaires / Le soleil broie la face chauve de la terre.
Ces trois textes sont publiés dans : «Anthologie de la littérature écrite nigérienne d'expression française»
Moussa MAHAMDOU - Issoufou RAYALHOUN