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Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps

Arts et Culture nomades

Le Peuple touareg lutte pour préserver son identité et sa culture.

Poètes, musiciens, artistes touarag témoignent des combats de ce Peuple du désert, marginalisé et méconnu.

Au fil du temps...
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21 février 2009

Tin-Hinan, ancêtre des Touareg

tin hinan

Tin-Hinan, reine des Touaregs

RFI  - Les femmes de l'ombre -

(...) Tin-Hinan, cette femme énigmatique, dont l’existence nous a été révélée par la tradition orale et dont le nom voudrait dire « celle qui vient de loin » ou « celle qui se déplace », aurait été la mère fondatrice du peuple targui. A travers les récits et les chants véhiculés par ses descendants, les hommes du désert, on peut retrouver son image : « Une femme irrésistiblement belle, grande, au visage sans défaut, au teint clair, aux yeux immenses et ardents, au nez fin, l’ensemble évoquant à la fois la beauté et l’autorité ». 

Lorsqu’elle est arrivée dans le Hoggar, « elle venait de loin », indique son nom. Les chercheurs ont localisé cette origine chez les Bérâbers (Berbères) du Tafilalet, une contrée présaharienne du sud marocain qui devait être plus verdoyante qu’aujourd’hui.
Pourquoi quitta-t-elle ces lieux ? Personne ne peut le dire. Alors rêvons un peu et regardons la situation de la région au cours de ces années lointaines. Au IVe siècle, le nord de l’Afrique, et en particulier la Numidie, est dominée par la puissance romaine qui a adopté la religion chrétienne à laquelle s’est converti l’empereur Constantin. Cette Numidie, dont le nom pourrait venir de nomade, est alors le théâtre de révoltes contre le pouvoir romain. Diverses tribus circulent entre la côte méditerranéenne et les régions plus au sud, colportant non seulement des produits divers mais aussi des informations. Quelques membres de la tribu marocaine des Bérâbers, avec Tin-Hinan, ont-ils quitté la région pour des raisons de conviction ou de politique ? Première hypothèse.

Autre hypothèse : un conflit personnel au sein de la famille ou de la tribu qui aurait incité Tin-Hinan à fuir loin de son milieu d’origine. Une femme intelligente, une femme d’autorité qui prend la décision de partir ... pourquoi pas ? (...)

tin hinan farid benyaa

Deux femmes dans le désert

(...) Ce que l’on sait, grâce à la tradition orale rapportée par le Père de Foucault qui l’a recueillie dans le Hoggar, c’est qu’elle ne fut pas seule à faire le trajet mais qu’elle se rendit dans ce haut massif du Sahara algérien en compagnie d’une servante nommée Takamat. Ces deux femmes étaient-elle accompagnées d’hommes pour ce voyage aventureux ? Rien ne le dit mais c’est vraisemblable. Traverser le Sahara était une aventure périlleuse, même si ce désert brûlant, dont le nom en arabe signifie le Fauve, connaissait un climat moins aride qu’aujourd’hui. Les vallées, les plaines, les squelettes de rivières, témoignent qu’une réelle végétation existait autrefois, tandis que les peintures rupestres indiquent que des chevaux y circulaient et que les chasseurs y trouvaient du gibier.

Imaginons ces deux femmes effectuant leur trajet à travers le désert. Sans doute ont-elles une monture : dromadaire, cheval, âne ( ?) qui leur permet d’éviter de trop grandes fatigues et quelques bêtes comme des moutons et des chèvres qui leur offrent le lait et la nourriture dont elles ont besoin. Comment auraient-elles pu survivre sinon ? (...)

 Tin-Hinan consulte le ciel

(...) On trouve, dans les peintures rupestres du Sahara, la trace d’une « route des chars » très ancienne, dont le trajet permet de trouver des mares, des puisards ou des oueds. La petite cohorte de Tin-Hinan a dû l’emprunter pour se procurer cette denrée rare, l’eau, dont un proverbe dit : aman iman, « l’eau, c’est l’âme ». Les voilà donc suivant ce tracé. Les jours passent, lentement. Parfois, la petite troupe aperçoit quelques nomades, pillards possibles, qu’elle évite soigneusement. Les heures de la journée sont chaudes et les voyageurs du désert qui subissent la brûlure du ciel accueillent la nuit avec soulagement. La pause du soir est bienvenue, surtout si elle se situe près d’un point d’eau et d’un pâturage.

Que se passa-t-il dans les années qui suivirent cette installation dans le Hoggar ? Qui fut le père des enfants de Tin-Hinan ? Un compagnon venu avec elle du Tafilalet ? Un noble voyageur originaire de Libye ou d’Egypte ? Ou simplement un survivant de ces habitants qui occupaient les lieux précédemment ? Le nom de ce « père » n’est pas resté dans les récits véhiculés par la tradition. Mais, chez les Touaregs, la femme jouit d’un statut privilégié et le matriarcat est de règle, ainsi donc, n’est retenue que la descendance féminine. (...)

«L’antimoine enténèbre ses paupières sombres»

(...) D’après la légende, Tin-Hinan aurait eu trois filles : Tinert, l’antilope, ancêtre des Inemba ; Tahenkot, la gazelle, ancêtre des Kel Rela ; Tamérouelt, la hase, ancêtre des Iboglân.

De son côté Takama, la servante, aurait eu deux filles qui reçurent en cadeau de Tin-Hinan les palmeraies de la région que possèdent toujours leurs descendants.
Les voilà donc installés dans l’oasis d’Abalessa. Les tentes blanches se dressent dans ce paysage dominé par le haut massif de l’Atakor. La beauté des paysages, le silence de la nuit, le vent dans les montagnes n’a pu qu’inspirer ces nouveaux venus dans la région. Le tobol (tambour) et l’amzad (violon monocorde) étaient-ils déjà présents à l’époque de Tin-Hinan ? On peut imaginer que cette femme de caractère avait aussi le goût de la musique et de la poésie, tout comme ses descendants et, qu’autour du feu, les habitants du campement montraient leurs dons en ces matières. (...)

De Tin-Hinan à la troublante Antinéa

(...) D’après sa description, elle reposait sur un lit sculpté et portait des bracelets d’or et d’argent. A proximité des chevilles, du cou et de la ceinture, s’éparpillaient des perles en cornaline, agate et amazonite. Une écuelle de bois portait la trace d’une pièce à l’effigie de l’empereur Constantin. Ces objets ainsi que le mobilier témoignent des relations qui ont pu se nouer entre les habitants de l’oasis et les voyageurs venus de l’Orient. Tin-Hinan a donc été capable, non seulement de faire ce voyage à travers le Sahara mais aussi de créer les conditions de vie dans les lieux et de nouer des relations commerciales nécessaires à l’enrichissement du peuple né de sa descendance.
Les Touaregs de l’Ahaggar ont donc naturellement conservé le souvenir de cette femme remarquable, et leurs récits, recueillis par le père de Foucault qui vécut en ermite à Tamanrasset au début du XXe siècle, inspira le romancier français Pierre Benoît qui, dans L’Atlantide publié en 1920, met en scène un jeune militaire rencontrant Antinea , une femme énigmatique qui règne sur le Hoggar.

L'Atlantide

« Antinéa ! Chaque fois que je l’ai revue, je me suis demandé si je l’avais bien regardée alors, troublé comme je l’étais, tellement, chaque fois, je la trouvais plus belle.... Le klaft égyptien descendait sur ses abondantes boucles bleues à force d’être noires. Les deux pointes de la lourde étoffe dorée atteignaient les frêles hanches. Autour du petit front bombé et têtu, l’uraeus d’or s’enroulait, aux yeux d’émeraude, dardant au-dessus de la tête de la jeune femme sa double langue de rubis. Elle avait une tunique de voile noir glacé d’or, très légère, très ample, resserrée à peine par une écharpe de mousseline blanche, brodée d’iris en perles noires. Tel était le costume d’Antinéa... »

L’imaginaire de Pierre Benoît nous conduit loin de la réalité et, pour retrouver l’ancêtre des Touaregs, il est préférable de lire des ouvrages scientifiques modernes, mais dans ceux-ci la trace de Tin-Hinan est bien mince. Tin-Hinan reste donc une reine de légende qui préfigure la femme moderne , capable de créer la vie et de gérer le bien public. C’est ainsi que les Touaregs nous ont transmis son image. C’est ainsi que nous avons tenté de la faire revivre. (...) 

Aricle original  Jacqueline Sorel

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