Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps

Arts et Culture nomades

Le Peuple touareg lutte pour préserver son identité et sa culture.

Poètes, musiciens, artistes touarag témoignent des combats de ce Peuple du désert, marginalisé et méconnu.

Au fil du temps...
Suivez-moi
9 octobre 2013

Tamikrest

 

Un troisième album en lévitation

chatma-tamikrest-musicien-touareg

Tamikrest - Chatma

Tamikrest dédie son troisième album aux femmes touarègues et offre un disque psychédélique, parfait pour la lévitation. Rencontre, critique et écoute.

En tamasheq, la langue des Touaregs, «chatma» veut dire «Les soeurs». La chatma dont le visage occupe la pochette du troisième album de Tamikrest (qui s’appelle donc Chatma) n’est pas Soeur Sourire : un visage intensément impassible, le regard perdu dans le temps et l’assouf (cet autre mot tamasheq qui désigne un état mental entre la mélancolie et la sérénité), qui semble raconter l’épuisement, l’adversité, la peine et la force de toute une communauté.

Cette jeune femme ne joue pas dans Tamikrest, elle n’est pas non plus une connaissance personnelle. Image générique, symbolique d’une cause et du thème de l’album.

«Depuis toujours, les femmes sont considérées comme des reines dans la société touarègue. Elles ont un rôle essentiel, on les respecte, on fait tout pour leur honneur et leur dignité. Dans mon enfance, j’ai vu la liberté des femmes. Mais leur quotidien est devenu très difficile depuis quelques années. Les Touaregs ont dû se réfugier dans des pays où ils se sentent étrangers. Les terroristes ont voulu changer notre mode de vie, et celui des femmes. Pas seulement chez nous, partout dans le monde», raconte Ousmane Ag Mossa, le chanteur-guitariste de Tamikrest. Wonou Walet Sidati, la chanteuse du groupe, explique :

«Je suis la seule femme dans Tamikrest, je peux être une voix pour les femmes, parler de leur besoin de liberté, de retrouver une vie normale. Aujourd’hui, elles ont peur. Soit elles ont perdu quelqu’un, soit elles vont perdre quelqu’un, elles ne savent pas ce qui va se passer.»

Chez eux, c’est la région de Kidal, dans le nord du Mali, jadis fertile oasis de musique, mais que le monde a découvert à cause de la guerre et de l’occupation d’Aqmi (Al-Qaeda au Maghreb islamique). Les membres de Tamikrest n’y vont plus beaucoup.

«Aqmi a voulu appliquer sa loi aux artistes, la vie était très stricte. Mais l’humiliation, ce n’est pas pour moi, personne ne va me dire comment je dois vivre», affirme Ousmane Ag Mossa.

A cause de la guerre, le groupe n’a pas pu enregistrer son album à Bamako (comme les deux premiers). Il est parti à Prague au printemps 2013, dans un studio recommandé par le producteur et ami du groupe Chris Eckman (l’ancien Walkabouts, qui vit en Slovénie). Malgré la neige, c’était une bonne idée. On ne connaît pas le studio, mais c’était peut-être un ancien cinéma, ou le siège social d’une agence de voyages imaginaires.

Car la musique de Tamikrest a gagné en profondeur de champ, en séquences, en horizons aérés, évitant l’écueil fatal de la monotonie. «Depuis dix ans que nous jouons ensemble, nous utilisons les mêmes instruments, les mêmes bases rythmiques, la même façon de chanter : notre tradition musicale. Mais en essayant d’évoluer, d’apporter de nouvelles idées.» Sur Chatma, le plus psychédélique des trois albums du groupe, les guitares s’enroulent et s’élèvent comme une flamme autour des chansons. Parfois, des effets de production évoquent un dub dunaire. Ailleurs, le groupe enlève le cheich pour laisser parler les guitares acoustiques. On est en terrain connu, mais un peu au-dessus, en lévitation. Hautement hypnotique, Chatma s’écoute comme la bande-son du ciel.

Les Inrocks   09/10/13

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité