Retour d'exil
Alhassane Ag Baille
«L'année maigre nouvelles touarègues»
MES FRÈRES
Après les affres de l’exil / Dans l’oubli de l’occupant / Dans le cauchemar des souvenirs / Dans la tempête des désirs / Dans les entraves de l’ignorance / Dans les menottes du sous-emploi / Dans la mort des initiatives / Dans la chute de l’innovation / Dans l’oubli des pauses-jalons / Dans la honte du parasitisme
Reviennent à la patrie par des routes impossibles, par des transports incroyables, avec des hommes increvables
Reviennent chez eux,
Et leurs frères gendarmes, policiers, douaniers, administrateurs leur disent
Vos papiers, vos passeports, refusés au départ
A la frontière, laissez-nous vos économies
Vos valises, vos transistors, / Vos couvertures, vos moteurs, / Vos provisions, vos montres
Au village, les arriérés impôts / Les anciennes et nobles taxes / Ceux qui protestent sont bastonnés et mis en prison / Reviennent à la famille mains vides avec des blessures au corps / Des blessures aux poches / Des blessures à la mémoire / Des blessures à la volonté / A l’âme
Reviennent à la famille mains vides pour trouver / Des gens fatigués, épuisés / Des gens sans ressource / Des gens en guenilles / Des gens désespérés
Reviennent à la famille pour se surcharger d’amertume durable / pour se surcharger de pauvres compagnons d’exil / pour se surcharger de dettes à payer à l’étranger / et ils repartent chassés par / une patrie qui les a déshabillés / une administration qui les a sucés / un terroir abandonné, lessivé, méconnaissable / une famille d'éclopés en quémande intarissables / une révolte d’abandonnés, de chassés haïssable / une révolte d’inutiles partout corvéables / une révolte d’exclus partout indésirables / qui reviendrons demain en quelles mains étrangères / avec quelles armes meurtrières / avec quelle tentation de nuire / avec désir de tout détruire….
… pour reconstruire de terroir rêvé / pour mettre en place une administration idéalisée / pour refondre une société sans défaut / pour réunir les familles disloquées / ranimer les mères qui ne savent plus aimer / qui ne savent plus composer
La poésie qu’hier elles chantaient à la jeunesse qui dansait.
Ahassane Ag Baille «L'année maigre - Nouvelles touarègues »
Mon âme brûle (extrait)
Mon âme gémit à l'approche de l'ennemi qui coupe toutes frontières du pays qui ont bercé la transhumance des nomades, des plaines aux dunes enchantées, moi, petite entité, j'ai cheminé comme égaré d'une planète à l'autre toutes consumées. Ô Dieu des âmes perdues par les tempêtes folles de vie, admire l'effort fourni par ces hommes et ces femmes qui luttent pour la survie, l'âme et l'esprit se disputent pour ne pas tomber dans le chaos de l'oubli.