Qu'est devenu le Ténéré ?
Tinariwen «Elwan»
Le groupe s’exfiltre d’un Ténéré déchiré par la guerre pour un septième album qui se joue des frontières.
Les cheveux d’Ibrahim ag Alhabib ont pris la couleur du sel. Il a 57 ans et beaucoup d’enfants. Seize années se sont écoulées depuis que, en France, on a découvert son port fier, sa tignasse à la Jimi Hendricks et sa bande de Touareg droit sortis d’un album d’Heroic Fantasy avec habits traditionnels revisités par le rock’n’roll et tissus masquant le visage : les Tinariwen. Sept disques et un Grammy Awards plus tard, voici Elwan (« Les éléphants »).
Assis sur les tapis posés sur le sable autour du feu de camp, Ibrahim glisse doucement ses doigts sur la guitare.
« Je ne suis pas quelqu’un qui parle, plutôt quelqu’un qui chante »
dit-il, passager funambule dans un monde ivre de mouvements. Il a la beauté d’un berger, l’élégance d’un prince, la décontraction d’une rock star. Il porte une chemise grise qui a l’air de sortir du teinturier alors qu’il n’y en a pas un à 100 kilomètres à la ronde.
M’Hamid El Ghizlane dans les sables du Sahara, Maroc. C’est ici que, en février 2016, les Tinariwen se sont posés pour enregistrer leur nouvel album. C’est là qu’on les retrouve quelques mois plus tard.
« Je n’ai jamais autant connu l’inspiration qu’ici. Les terres n’ont pas toutes le même silence, celui des dunes n’est pas le même que chez moi. »
confie mezza voce Alhousseini ag Abdoulahi, alias Abdallah
Ténéré tàqqàl
Eghàrghàr wa n-fissar / Dàgh iknasàn elwan
Azzadàn dàgh-s alimmoz / Awwànàn ichinkad Adagh / Ibas tidwin igdad iskak / Aherahàghnàt timizzagh / Tiwàr tekenzart idim n-àlyad / A-wa àzzàman àssoheen / Dàgh idja amsistagh / Azzaràn wi àssohàtnen / Idjmadàn inibdan / Ammun dàgh-nàgh meddàn / Tàssiknàs tayitte n-nibrar / Tigla tisrawt fàlanàgh / Istàqqàt anmàghdar
What has become of the Ténéré / The Ténéré* has become an upland of thorns / Where elephants fight each other / Crushing tender grass under foot. / The gazelles have found refuge high in the mountains / The birds no longer return to their nests at night / The camps have all fled. / ou can read the bitterness on the faces of the innocents / During this difficult and bruising time / In which all solidarity has gone. / The strongest impose their will / And leave the weakest behind / Many have died battling for twisted ends. / And joy has abandoned us / Exhausted by all this duplicity.
Chant épique, ivre de révolte
« Notre terre est devenue ce vaste champ de bataille où s'affrontent les éléphants qui écrasent notre herbe »
Chez eux, c’est de l’autre côté du désert, 1 500 kilomètres à vol d’oiseau, l’Adrar des Ifoghas, à l’extrême nord-est du Mali.
« Des formes invraisemblables, les couleurs des roches qui varient, des oueds comme des canyons et des herbes qui montent plus haut que les voitures »
raconte le Français Bastien Gsell, pour qui le voyage fut un tel choc que, des années après, il continue d’organiser les tournées du groupe.
« Ils m’ont donné un bout de terrain là-bas mais, depuis 2012, avec la guerre contre les islamistes radicaux, on ne peut plus y aller. » Lire l'article