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Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps

Arts et Culture nomades

Le Peuple touareg lutte pour préserver son identité et sa culture.

Poètes, musiciens, artistes touarag témoignent des combats de ce Peuple du désert, marginalisé et méconnu.

Au fil du temps...
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30 mai 2017

Amazigh du Ténéré

 

Hawad,

Guérilléro du verbe

hawad_poete_touareg

Entretien accordé à Aydin Baran

Première partie : Introduction

Dans cet entretien, Hawad présente son itinéraire d’Amajagh, c’est-à-dire d’Amazigh du Ténéré. Ses ancêtres ont mené la guerre de résistance générale des Imajaghen au début du XXe siècle contre la colonisation du Sahara. Avec la mobilisation de toutes les troupes coloniales, françaises et aussi anglaises, ils ont été décimés et vaincus. Cette résistance et cette défaite sont un héritage fort, à la fois pesant et exaltant, dans l’imaginaire poétique de Hawad. C’est un bagage qui apprend à être vaincu mais debout, écrasé par la force mais insoumis, dominé par la violence mais libre d’esprit. Hawad fait partie de ceux qui se battent pour que Temujagha (ou Timmuzgha) vive. Il puise dans ce qu’elle offre de plus précieux et de plus original : l’imaginaire en utilisant les outils légers et accessibles, légués par les ancêtres à savoir la poésie et l’écriture des tifinagh que Hawad transforme en expression picturale à part entière. Il a ainsi trouvé des armes qui ont fait de lui un «guérilléro du verbe» décidé à reconstruire un univers confisqué aux Imajaghen.

«Je matérialise le souffle, je matérialise l’impossible, je matérialise l’invraisemblable et j’en fais un territoire, car notre territoire, qui est aussi notre corps, est pour l’instant confisqué.» 

C’est ainsi que le poète trace sa route car «être amajagh, c’est avoir une culture, un comportement qui répond à des codes, à des principes, à une éthique, à un idéal partagés et reconnus par la société ».

Il est difficile de parler de la question touarègue aujourd’hui sans évoquer la situation de l’«Azawad». Pour Hawad, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) n’a pas de pensée politique véritablement touarègue, et ses revendications régionalistes évacuent les intérêts du peuple touareg. Il pense que ce mouvement est otage de la France, un État dont la présence en pays touareg n’est motivée que par ses propres intérêts. Hawad estime que l’avenir et la force des Touaregs sont dans leur capacité à œuvrer pour être eux-mêmes et contribuer, en tant que tels, à la communauté amazighe et à toute communauté humaine qui accepte leur originalité. Pour lui, les Touaregs, partout où ils sont, au-delà des frontières coloniales, doivent maintenir leurs liens et continuer à faire corps ensemble, en se rapprochant de leurs frères amazighs du nord.

A la question de l’avenir du Sahara central, Hawad estime que «cette région a besoin d’une ouverture et celle-ci ne peut se faire qu’avec les Amazighs du nord et les Amazighs émigrés qui vivent en Europe ou en Amérique ». La conjugaison des efforts par l’ensemble des Amazighs est une urgente nécessité pour sauver Ténéré dont dépend l’âme amazighe. Pour Hawad, cette région d’Afrique ne peut exister sans les Touaregs, sinon elle deviendra une décharge de déchets toxiques, statut que ses prédateurs lui réservent aujourd’hui. Et pour que ce poumon du Sahara qui est également «un pont mobile qui relie la Méditerranée au Sahel et l’Atlantique au Moyen-Orient» puisse survivre et poursuivre sa fonction, les Touaregs doivent libérer, déjà sur le plan mental, leur espace, leur terre, qui ne peut se faire qu’avec leur union, l’union de tous les Touaregs. Avec la conscience également que cet espace est partie intégrante d’un autre espace, encore plus vaste, Tamazgha, un espace qui doit s’enraciner, notamment au niveau poétique, dans la tête des Amazighs, ceux du Sud comme ceux du Nord, pour qu’ils se reconnaissent dans l’ensemble des éléments qui caractérisent ce vaste espace, mais aussi dans ce qui le touche au quotidien sur tous les plans. En cela, le poète estime que les Touaregs sont d’un apport essentiel : ils sont en mesure d’apporter au monde amazigh la subtile alchimie à même de pouvoir concilier les pensées et les savoirs hérités de nos prédécesseurs avec les savoirs extérieurs acquis des écoles et des universités d’occupation. Ces Touaregs détenteurs de cette «flexibilité nomade» qui leur permet de résister au modernisme pour « domestiquer et métamorphoser rapidement ces outils arrivés de l’extérieur» que sont par exemple les gadgets technologiques».

Deuxième partie

Aydin Baran : La situation des Touaregs au Niger... - Les problèmes écologiques causés par Areva, - Les problèmes sanitaires encore causé par Areva, - Tout ce que vous voulez dire sur les Touaregs au Niger...

Hawad : Au nord du Niger, vers la frontière avec l’Algérie et la Libye, c’est là où il y a le plus de Touaregs et où le problème politique touareg couve de manière d’autant plus aiguë que déjà, sur le plan géographique et écologique, c’est le chaos, à cause de l’exploitation des ressources énergétiques (uranium) appropriées par la France. Sur le plan environnemental, c’est un gâchis total, une destruction des ressources naturelles permettant aux habitants de vivre : on pompe toute leur eau, on pollue toutes leurs terres, on a peuplé leur région de populations qui viennent du sud du Niger et leur sont hostiles, c’est le chaos sur tous les plans, écologique, politique, économique, social. Les Touaregs de cette région n’ont pas seulement affaire au Niger, mais à la France, concrètement, la France qui surveille les mines d’uranium avec ses propres militaires.

Dans sa chair, la région est donc presque détruite. Ne parlons pas de la confiscation de nos terres que l’État nigérien cède chaque jour à des entreprises minières internationales. Ne parlons pas non plus du saccage du patrimoine culturel touareg, avec ses milliers de dessins et d’inscriptions tifinagh gravés sur les rochers.

Aucune compensation pour ce désastre, ni écoles, ni hôpitaux, ni routes, ni aucun service de l’État, la région est dans une misère totale, la répression est plus forte qu’au Mali. De 1990 jusqu’à aujourd’hui, il y a eu des sévices contre la population et des massacres de civils à chaque revendication et chaque soulèvement. Mais le pire est l’écrasement total des gens qui n’ont aucun droit, qui ne sont pas considérés comme des citoyens, qui sont laminés. Il n’y a aucune représentation politique touarègue digne de ce nom, même localement, on ne fait rien pour la population, rien contre sa dépossession et sa privation de tout moyen de survie, en dehors des contrôles policiers, de la violence militaire et de la marginalisation. Il ne faut pas que les Touaregs occupent certains postes, même dans les entreprises étrangères. Il ne faut pas que les Touaregs aient des bourses pour faire des études supérieures. Il ne faut pas que les Touaregs soient intégrés à l’armée. Évidemment, la France a choisi comme Touaregs de service – et ce n’est pas un hasard – les descendants e ses anciens collaborateurs de l’époque coloniale ! Mais même eux, on les compte sur le bout des doigts .

Version originale        - PDF  interview_Hawad -

 

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