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Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps

Arts et Culture nomades

Le Peuple touareg lutte pour préserver son identité et sa culture.

Poètes, musiciens, artistes touarag témoignent des combats de ce Peuple du désert, marginalisé et méconnu.

Au fil du temps...
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7 juin 2017

Hawad,

 

 Ce « maquisard de l'imaginaire »

hawad_poete_et_peintre_touareg

Hawad, une expression plurielle dans la furigraphie

Poète et peintre, ce Touareg vient d'entrer chez Gallimard à la NRF et s'offre une exposition de ses œuvres à Niamey.

Vouloir faire entrer Hawad dans des cases, des contours, lui accoler des épithètes, c'est s'exposer à des protestations. Hawad en rue déjà, rien qu'à l'idée. Rebelle, enragé, Touareg, nomade. Il est tout cela. C'est certain. Mais il l'est tellement que l'idée même le dérange. D'être ceci. Ou cela. D'ailleurs, toute son œuvre dit son refus, ses tentatives répétées de faire éclater le langage, les formes, les sons. D'échapper à lui-même. À sa matérialité. Pour atteindre peut-être, à la fin de décennies d'efforts et de souffrance endurée, « la subtile limpidité ».

hawad_exposition_niamey_niger

Hawad au musée national de Niamey

Il y a du Rimbaud dans Hawad

« J'applique l'alchimie touareg aux choses. J'essaye de concasser le caillou de la douleur jusqu'à le transformer en subtil parfum. J'ai écopé tous les égouts, mais je suis encore loin d'avoir atomisé mon propre caillou », dit-il.

Il y a du Rimbaud dans Hawad : la recherche de l'Azur, la transcendance, l'alchimie du verbe, mais au sens propre, car Hawad a planché sur le soufisme, les cultures du Sahara et même de Méditerranée et du Proche-Orient. Il y a du mystique en lui, mais nourri de tradition cabalistique, qui serait profondément cosmocentré et amazigh.

hawad_peintre_touareg

Bien sûr, ces choix sont évidemment politiques. Le jeune Hawad a souffert dans sa chair de Touareg lorsqu'il ne faisait pas bon endosser cette appartenance, dans les années 70 et 80. Maigre Don Quichotte, cheveux gris ébouriffés, plein de colère, de doute et de fureur, il résume :

- « L'essentiel, c'est de ne pas baisser les bras même quand on n'a plus de bras. »

Et pour cela, il développe une sorte de contre-calligraphie, à partir de l'alphabet tifinagh, la seule écriture berbère. Et il s'agit cette fois non pas de sourates coraniques, pour conjurer le mauvais sort et apporter la bonne fortune, mais de dessins de lettres, souvent tordues, bancales, mutilées, qui expriment des sons tout aussi bancals et rugissants, pleins de RRR, d'éboulis, de cris, de braise et de feu. Des sons du désert, de la soif, de la lutte contre la souffrance.

- « Je ne crois pas aux mots. Je crois en la force du geste, au-delà des mots. Et aux gestes sonores. Je n'aime pas l'écrit. Je n'aime pas l'oral. Je n'aime pas les mots. Je suis dans la furigraphie. Les langues, ce sont des gangues, des structures fascisantes. Les tifinaghs sont nés plus de 3 000 ans avant J.-C. L'objectif n'est pas de conserver cette écriture, mais de l'obliger à penser ce qu'elle n'a pas l'habitude de penser. »

hawad_peintre_touareg_exposition_niamey

Au-delà des mots et de l'état nomade

wad est donc au-delà des mots. Il est aussi au-delà de l'état nomade, dans le « surnomadisme » qui abolit les trajets et les destinations confisqués au profit d'une multitude d'itinéraires sans limites. Ses œuvres poétiques et picturales peuvent ainsi se regarder, se dire et se lire dans tous les sens. Avec des toiles dominées par le rouge, le noir et le gris, où des personnages stylisés sont barrés de grands traits rageurs. D'autres œuvres, des encres ou du brou de noix - « l'intermédiaire entre le noir et le rouge » – dessinent des formes pures, représentant une seule lettre tifinagh ou le symbole de la cause touareg, produites en écriture automatique tout droit venue du surréalisme. Hawad expose aussi des livres objets, des bandes peintes enroulées et, pour les amateurs de clin d'œil cabalistique, des œuvres en forme de talismans traditionnels, enchâssées de cuir, contenant des dessins et des poèmes en tifinagh, en lieu et place des sourates et cories.

hawad_tifinagh

Le parcours vers la furigraphie

L'artiste vit désormais en Provence. Il revient périodiquement au Sahara pour des joutes poétiques collectives qu'il appelle « attentats poétiques » puisque la poésie est profondément subversive. Né en 1950 dans l'Aïr, le massif montagneux au nord d'Agadez, il appartient à la confédération des Ikazkazen, qui a été pratiquement exterminée en résistant à la colonisation française au début du XXe siècle. Alors que l'espace des Touaregs ne cessait de se rétrécir, entre les frontières, les conflits et une modernisation forcée, le jeune homme décide d'étudier les grands mystiques musulmans, les écrits des alchimistes du Moyen Âge, les textes ésotériques juifs et ceux des philosophes grecs traduits en arabe. Cette quête le conduit des grands centres soufis de l'Aïr jusqu'en Égypte et à Bagdad. Dans les années 70, le combat se fait plus politique et Hawad fait l'expérience de la prison en Algérie, en Libye et au Niger. La société est dispersée, les jeunes en exil et les échanges écrits s'intensifient, avec entre autres inventions, la vocalisation des tifinaghs. Ne pas renoncer à sa langue et à son écriture devient partie intégrante de la lutte politique. C'est alors que, conscient d'être de plus en plus oppressé, il « prend le maquis de l'imaginaire », comme l'écrit l'anthropologue Hélène Claudot-Hawad.

Malick Boubaca  Le Point Afrique  22/05/2017

niamey_niger_exposition_hawad

 

 

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