Farees, une ode à la liberté

«Tell Me Nothing»

Téléconcert de « l’Obs »

Farees est un auteur-compositeur Algérien touareg et Italien, guitariste et multi-instrumentiste à l’héritage multiculturel. Après avoir été longtemps discriminé à la fois pour son origine mixte que pour sa confession musulmane, arrêté et détenu injustement aux Etats-Unis et en Europe, il a décidé de distiller ses chansons engagées de rap et de spoken-word contre le racisme, la xénophobie, l’anti-immigration et l’injustice, porté par des guitares vrombissantes et saturées. Sa dernière mixtape « Both Sides of The Border » est dans cette pure lignée. Enregistré en juillet dernier lors de la pandémie de Covid-19, « Tell Me Nothing » est une ode à la liberté, bercée par les saturations et les envolées de cordes. A découvrir en exclusivité sur « l’Obs ». Montez le son et prenez soin de vous.

Farees possède un riche héritage de nombreuses cultures et une formation musicale fertile et robuste. La  mère de Farees étant d'ascendance touareg (noire et berbère) et son père d'origine italienne et allemande, tout cela donne un sens à son adhésion à la planète et l'appelle à faire la différence à travers sa musique.

Tout comme ses racines familiales sont ancrées et riches, sa croissance et son développement musicaux ont également été riches. Farees  a commencé en Afrique, jouant dans des groupes comme Tinariwen et Terakaft, et faisant partie de cette scène saharienne, tout en partageant des scènes et des aventures dans le désert et en se faisant d'abord reconnaître comme un artiste influent en Afrique - Mali, Algérie, Niger, Maroc, etc. .- puis dans le monde occidental.

Son premier disque Mississippi to Sahara a incroyablement bien réussi – un projet à petit budget enregistré en quelques jours seulement – ​​dévoilant une musique africaine aux sonorités les plus blues. Ce disque l'a emmené sur les plus grandes scènes du monde et lui a permis de rencontrer les plus grands, qui l'ont tous considéré comme «un nouveau bluesologue» (Taj Mahal, Ben Harper et Calexico, pour n'en citer que quelques-uns).

Depuis ses premières performances et enregistrements, il utilise la musique comme moyen de discuter des problèmes et des injustices auxquels nous sommes confrontés en tant qu'êtres humains, quel que soit le continent sur lequel nous vivons, quelles que soient nos croyances ou notre appartenance ethnique.

« Pour moi, la musique est la thérapie la plus forte, à la fois à l'intérieur, la psyché ou l'esprit, et à l'extérieur, le monde social et politique ; c'est la même chose - vous ne pouvez pas séparer les deux »,  Farees dit. « Je ne suis pas un gourou. Je suis un homme libre et je dis ce que je pense, c'est tout. C'est la musique elle-même qui est un messager et un médecin et bien plus encore. Je suis investi dans le changement sociétal parce que je suis musicien. C'est aussi simple que ça. C'est naturel.»

Le fait d'être multiracial et d'avoir grandi dans de nombreux pays et continents a donné à  Farees  une perspective différente sur la société. Il est multilingue et vous pouvez dire que c'est quelqu'un qui peut incarner différentes cultures et visions du monde sans avoir à choisir son camp.

« Différentes personnes nous attribueront des identités différentes en fonction de notre apparence physique du moment, mais notre propre identité interne peut ne pas correspondre à l'identité attribuée.»

Farees savait ce que signifiait être profilé, mais il était sur le point d'en faire l'expérience dans la chair. Lors de sa première tournée nord-américaine, à Chicago, il a été victime de profilage racial, arrêté et détenu sans raison apparente. Une prétendue irrégularité a également été utilisée contre lui pour lui refuser l'entrée aux États-Unis. Pendant sa détention, il a été interrogé sur ses convictions religieuses, son identité raciale et traité comme un terroriste potentiel.

De retour en Italie, la police italienne l'a également détenu, l'a menotté et l'a emmené dans une voiture de patrouille à son arrivée. Cette expérience de détention (3 jours au total) a conduit à de nouvelles paroles, de nouvelles chansons et à une augmentation de son activisme. Quelque temps après, lors d'une tournée au Canada, il a reçu des menaces de mort remplies d'insultes raciales et d'insultes sur son compte Facebook.

«Les choses prennent une tournure étrange ces jours-ci pour les personnes de couleur, les musulmans et les minorités en général», déclare  Farees .

Quelques mois après la détention, alors qu'il souffrait d'insomnie, d'anxiété et de cauchemars récurrents, il a pensé pour la première fois à des chansons parlées qui raconteraient cette histoire, et à un album conceptuel basé sur celle-ci. « La parole parlée – le truc de la poésie slam – est venue par nécessité pour moi. Tu ne peux pas chanter tout ça. J'avais trop de choses à dire.»

Et c'est ainsi qu'il réalise un album concept, un double LP intitulé  «Border Patrol» , sur lequel il parle, chante, rappe et joue énormément de guitare, ainsi que de nombreux autres instruments. Sa poésie nous ramène aux meilleures traditions de la musique contestataire, qu'il s'agisse des héros afro-américains parlés à la fin des années soixante ou de Marley et Hendrix. Ses rythmes, sons et paroles sont tous à leur plus haut niveau et la forme la plus réalisée à ce jour. L'album présente également le groupe Calexico, basé à Tucson.

La musique de Farees est difficile à catégoriser, tout comme les choses véritablement nouvelles ou fraîches. 

C'est un style unique, « une sorte de blues-rock électrique africain de nouvelle génération, organique », dit Farees . Guitariste extraordinaire et innovant ? Vérifier. Producteur? Vérifier. Poète? Absolument. 

L'Obs