Une enfance à Zinder, Niger
Hommage à mon père
Inoussa Yunus OCQUET
Mon père,
cet an-saignant
De villages en villages au fin fond de la brousse nigérienne, tu as parcouru l’alphabet des pères blancs aux lointains ancêtres, donnant à nos petites têtes fêlées, un peu de lumière, pour éclairer nos pas en avant, incertains. Soignant de-ci de-là, quelques bobos avec ta trousse pharmaceutique et tes règles d’hygiène élaborées. Martial et tout aussi aimant, tu éduquais par l’exemple et la droiture toute tracée au fronton de l’école, lumineuse. Que la classe soit en banco ou en paillote, tu as toujours dessiné des oiseaux et des fleurs pour faire rêver l’enfance.
Père dépositaire de la mystique ancestrale, je me souviens de tes scarifications noircies au charbon pour conjurer le mauvais œil invisible. Je me souviens de tes colères pour écart de langage, jeux dangereux, maraude dans les poulaillers des voisins par bandes de petits camarades insensés. Juge tu as souvent été, défendant toujours l’autre au détriment de tes proches même si raison était avec. Calligraphe à l’écriture cursive, tes mains étaient aussi habiles que celles du travailleur manuel, touchant du bois du cuir ou de l’argile céleste pétrie d’amour et de sollicitude.
Respecte, le pays qui t’accueille et ne trahit jamais la confiance de ceux qui te tendent la main, m’as-tu dit trois jours avant la fin. Aujourd’hui encore, je me souviens de tes élans de joie lorsque racontant des anecdotes pimentées, tu riais devant ta grande famille recomposée. Nous sommes à présent des parents aussi, cheminant sur le long fleuve de la vie, à nos risques et périls.
Que ta lumière et celle des patriarches de la forêt nous guide sur les chemins sinueux du destin écrit sur la pierre du temps qui passe.