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Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
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Arts et Culture nomades

Le Peuple touareg lutte pour préserver son identité et sa culture.

Poètes, musiciens, artistes touarag témoignent des combats de ce Peuple du désert, marginalisé et méconnu.

Au fil du temps...
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15 mars 2018

Cessez de vouloir «sauver» l'Afrique !

Tribune

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L'humanitarisme "sexy" en vogue sert le paternalisme colonial et le sentiment de supériorité culturelle des Occidentaux.

A l'automne 2006, peu après mon retour du Nigeria, je fus interpellé par une blonde et guillerette étudiante dont les yeux bleus paraissaient assortis aux perles du bracelet "africain" qu'elle portait au poignet. "Sauvez le Darfour !", criait-elle derrière une table couverte de brochures exhortant les étudiants à "agir tout de suite !", à "arrêter le génocide au Darfour !". Mon aversion à l'égard de ces étudiants qui s'impliquent à corps perdu dans des causes à la mode faillit me faire tourner les talons, mais le cri qu'elle jeta ensuite m'immobilisa.

«Vous ne voulez donc pas nous aider à sauver l'Afrique ?», hurla-t-elle. Il semblerait que depuis quelque temps, rongé de culpabilité par la crise humanitaire qu'il a provoquée au Moyen-Orient, l'Occident se tourne vers l'Afrique pour y chercher la rédemption. Des étudiants idéalistes, des célébrités comme Bob Geldof et des politiciens comme Tony Blair se sont fixé pour mission d'apporter la lumière au continent noir. Ils arrivent en avion pour effectuer un internat ou participer à une mission d'enquête, ou encore pour adopter un enfant, un peu comme mes amis et moi, à New York, prenons le métro pour aller adopter un chien abandonné à la fourrière.

C'est la nouvelle image que veut se donner l'Occident : une génération sexy et politiquement active dont la méthode préférée pour faire passer son message est de publier de pleines pages de magazines avec des célébrités au premier plan et de pauvres Africains déshérités derrière. Et tant pis si bien souvent les stars dépêchées pour secourir les indigènes ont un air délibérément aussi émacié que ceux qu'elles veulent aider.

Mais ce qui est peut-être plus intéressant encore, c'est le langage employé pour décrire l'Afrique que l'on entend sauver. Par exemple, la campagne lancée par l'association Save the Children, intitulée «I am African», présente des portraits de célébrités occidentales majoritairement blanches avec des 0171marques tribales» peintes sur le visage au-dessus du slogan I am African imprimé en grosses capitales. Dessous, en lettres plus petites, apparaît la phrase : «Aidez-nous à arrêter l'hécatombe.»

Même bien intentionnées, ces campagnes propagent le stéréotype d'une Afrique qui serait un trou noir de maladie et de mort. Articles et reportages ne cessent d'évoquer les dirigeants africains corrompus, les seigneurs de guerre, les conflits «tribaux», les enfants exploités, les femmes maltraitées et victimes de mutilation génitale. Ces descriptions apparaissent sous des titres tels que «Bono peut-il sauver l'Afrique ?» ou «Les Brangelina parviendront-ils à sauver l'Afrique ?» La relation entre l'Afrique et l'Occident n'est plus fondée sur des préjugés ouvertement racistes, mais de tels articles rappellent les beaux jours du colonialisme européen, quand on envoyait des missionnaires en Afrique pour nous apporter l'éducation, Jésus-Christ et la «civilisation».

Tout Africain, moi compris, ne peut que se réjouir de l'aide que nous apporte le monde, mais cela ne nous empêche pas de nous demander si cette aide est vraiment sincère ou si elle est faite dans l'idée d'affirmer sa supériorité culturelle. Je ressens toujours un certain malaise lorsque, dans une soirée caritative, l'organisateur récite une litanie de désastres africains avant de faire monter sur scène une personne (généralement) riche et blanche qui s'empresse d'exposer ce qu'il ou elle a fait pour les pauvres Africains affamés.

Chaque fois qu'une étudiante pourtant sincère évoque les villageois qui ont dansé pour la remercier de son aide, je fais la grimace. Chaque fois qu'un réalisateur hollywoodien tourne un film sur l'Afrique dont le héros est occidental, je secoue la tête - parce que les Africains, alors que nous sommes des personnes bien réelles, ne font que servir de faire-valoir à l'image fantasmée qu'a l'Occident de lui-même. Et non seulement de telles descriptions ont tendance à ignorer le rôle parfois essentiel qu'a joué l'Occident dans la genèse de nombreuses situations déplorables dont souffre le continent, mais elles ignorent également le travail incroyable qu'ont accompli et que continuent à accomplir les Africains eux-mêmes pour résoudre ces problèmes.

Pourquoi les médias persistent-ils à dire que les pays africains se sont vu «accorder l'indépendance par leurs anciens maîtres coloniaux», et non qu'ils ont combattu et versé leur sang pour obtenir leur liberté ? Pourquoi Angelina Jolie et Bono bénéficient-ils de toute l'attention médiatique pour leur travail en Afrique alors que Nwankwo Kanu ou Dikembe Mutombo, tous deux africains, ne sont pratiquement jamais mentionnés ? Comment se fait-il que l'on s'intéresse plus aux bouffonneries de cow-boy auxquelles se livre un ancien diplomate américain de second rang au Soudan qu'aux nombreux pays africains qui y ont envoyé troupes et vivres et ont consacré d'interminables heures à négocier un règlement entre toutes les parties impliquées dans cette crise ?

Il y a deux ans, j'ai travaillé dans un camp de personnes déplacées au Nigeria, les survivants d'un soulèvement qui avait entraîné la mort de 1 000 personnes et le déplacement de 200 000 autres. Fidèles à leur habitude, les médias occidentaux parlèrent longuement des violences, mais pas du travail humanitaire que les autorités locales et nationales accomplirent - avec très peu d'aide internationale - en faveur des survivants. Des travailleurs sociaux ont consacré leur temps et, dans de nombreux cas, donné leur propre salaire afin de venir en aide à leurs compatriotes. Ce sont eux qui sauvent l'Afrique, et, de même que pour beaucoup d'autres à travers le continent, leur travail ne trouve aucun crédit à l'extérieur.

Le mois dernier, le groupe des huit pays les plus industrialisés s'est réuni en Allemagne avec une brochette de célébrités afin de discuter, entre autres sujets, de la façon de sauver l'Afrique. J'espère qu'avant le prochain sommet du G8 le monde aura enfin compris que l'Afrique ne veut pas être sauvée. L'Afrique veut que le monde reconnaisse qu'au travers de partenariats équitables avec d'autres membres de la communauté internationale elle sera elle-même capable d'une croissance sans précédent.

Traduit de l'anglais par Gilles Berton

Uzodinma Iweala  publié  le 28 juillet 2007 Le Monde

 

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«Bêtes sans patrie» d'Uzodinma Iweala : une enfance en enfer

L'auteur est un jeune Américain d'origine nigériane, né aux États-Unis en 1982, brillamment diplômé de Harvard, et aujourd'hui étudiant en médecine à l'université Columbia.

Frapper, lever. Frapper, lever... Monter "bien haut la machette au-dessus de la tête de l'ennemi", et "paf, frapper comme il faut". Vomir un bon coup et puis continuer de frapper. Jusqu'à ce que le corps de l'ennemi soit "rayé de plaies rouges", son front si écrasé que sa figure ne ressemble plus à une figure "à cause que son crâne s'est vraiment cassé de partout, partout, y a plus que du sang, du sang, du sang".

C'est un enfant qui raconte. Un enfant qui lacère, qui dépèce, qui assassine. Et qui découvre aussi que "c'est pas dur" de tuer un homme : "On dirait qu'on tue une chèvre." Quel âge a-t-il ? 9, 10 ou 12 ans. Il s'appelle Agu et vient d'être enrôlé de force dans la guerre civile. Cela se passe en Afrique, dans un pays jamais nommé. Dans ce combat fratricide, Agu - un bon élève nourri par la Bible - a perdu son père. Sa mère a disparu avec sa soeur. Lui a pris la fuite mais, capturé par l'ennemi, il est devenu un enfant-soldat. C'était ça ou y laisser sa vie.

Voilà le point de départ du premier roman d'Uzodinma Iweala, qui a fait grand bruit aux États-Unis. D'abord parce que Iweala était un inconnu. Un jeune Américain d'origine nigériane, né aux Etats-Unis en 1982, brillamment diplômé de Harvard, et aujourd'hui étudiant en médecine à l'université Columbia. Fils d'un médecin urgentiste et d'une économiste naguère ministre des finances du Nigeria, Iweala est tombé un jour, au lycée, sur un article de Newsweek sur les enfants-soldats. Depuis, le sujet le hante, au point qu'il en a fait sa thèse à Harvard. Une thèse dont dérive ce roman, écrit à 23 ans sous le regard bienveillant de l'écrivain Jamaica Kincaid - c'est elle qui a donné le manuscrit à son propre agent - et proprement stupéfiant  La suite

Florence Noiville p ublié le 25 septembre 2008  Le Monde

 

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