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Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps
Touareg du Niger, rencontres au fil du temps

Arts et Culture nomades

Le Peuple touareg lutte pour préserver son identité et sa culture.

Poètes, musiciens, artistes touarag témoignent des combats de ce Peuple du désert, marginalisé et méconnu.

Au fil du temps...
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24 février 2021

Beyrouk,

 

Parias

« Beyrouk, auteur mauritanien, signe un texte d'une extrême sensibilité et révèle, à travers ces portraits de déshérités, un abîme profond entre le monde contemporain et l'existence sobre mais libre des nomades du désert. »

Cristelle Hamelin  Libraire

Présentation

Tout ramène le père et le fils, dont les récits alternent dans cet envoûtant roman, au drame qui a fait éclater leur famille.

Le père est en prison. Dans une longue mélopée adressée à la femme qu’il est parvenu à épouser et qu’il aime encore aveuglément, il convoque les prémices enchantées de leur histoire et les souvenirs des jours heureux, mais également l’engrenage des mensonges et de la jalousie. Pour elle, le jeune étudiant issu d’une tribu nomade était prêt à tout : s’inventer un passé, rompre avec les siens, vendre son cheptel et, grâce à cet argent, lui offrir l’avenir chimérique dont elle rêvait. Maintenant que tout est perdu, il se remémore ce monde du désert qu’elle méprisait, la vie d’errance à laquelle il a renoncé, au rythme du soleil, des étoiles et des bêtes.

Leur fils, enfant des quartiers pauvres, n’a pas supporté le silence des dunes, l’école coranique, l’eau qu’il fallait aller puiser. Il s’est vite réfugié chez des amis de ses parents. Les batailles rangées entre bandes rivales, les soirs à regarder le foot à la télévision, les menus larcins, l’empêchent de trop penser à sa mère qu’il adorait. Parfois, il traîne aux alentours de la prison. Et aussi près de la maison de sa petite sœur, Malika, qui lui manque mais qu’on lui interdit de voir.

En écho à la voix puissante et désespérée de son père, celle naïve et bouleversante du garçon vient ancrer la tragédie intime qu’ils partagent dans un saisissant contraste entre croissance urbaine et habitudes ancestrales des Bédouins. Ce n’est pas la moindre qualité de Parias que d’inscrire dans l’universel ces destins si singuliers avec une telle force d’émotion.

Sabine Wespieser   Éditeur

Parias_extraits

Beyrouk, impeccable en  chanteur des maux du temps

Parias, donne à une tragédie moderne la portée mythique du poème. A travers le double soliloque entrecroisé d’un père et de son fils à jamais séparés par un drame invisible, le romancier mauritanien orchestre une symphonie lyrique où l’émotion monte progressivement, par touches discrètes, vers un dénouement imparable.

A travers la puissance des mots, l’enchantement jaillit : chant d’amour à un pays, la Mauritanie, emporté dans les contradictions d’un vingt-et-unième siècle partagé entre mondialisation et traditions, héritage séculaire du désert et jeux vidéo des quartiers, luttes sociales et passions privées, égoïsme des uns et bonté des autres, injustice et humanité.

Rien n’est gratuit et aucun détail n’est caché : le roman réussit l’improbable alliance du réalisme et de la poésie : c’est l’accompagnement presque clinique du flux de pensée de L’Étranger de Camus avec la puissance évocatrice et émouvante d’Aragon dans Le Roman Inachevé. L’enchanteur Beyrouk se saisit des maux bien réels de notre époque, pour en faire un festin de mots, impeccablement ordonné.

Premier soliloque : celui du père, au cœur de sa conscience écartelée par un amour fou, toute la brutalité d’une société en mutation, enracinée dans les valeurs des nomades, et projetée dans les combats économiques de la modernité. Au croisement des deux une passion, dévorante, inépuisable, l’amour d’une femme emportée elle-même dans la contradiction de ses aspirations sociales. Ce soliloque est un chant d’amour, une ode folle à celle qui n’est plus mais qui continue à donner leur sens à tous ses actes, celle pour qui il a construit ses choix, sa vie entière.

Second soliloque : celui du fils, désormais orphelin, qui a grandi entre ses parents dans un quartier de Nouakchott. Il exprime, avec justesse et limpidité, l’incrédulité innocente de l’enfance soudain projetée hors de cette bulle familiale où à ses yeux tout était simple et clair, amour, beauté, protection. Et peu à peu la prise de conscience que cette bulle à jamais explosée ne pourra pas se reformer, ni autour de son père enfui, ni autour de sa mère perdue.

Beyrouk parvient à dire prodigieusement l’ineffable, l’insensible cheminement de la conscience dans les débris d’un monde effondré, la vie qui pousse malgré tout dans les décombres, l’amour qui survit à l’absence et le détachement insupportable et nécessaire du deuil d’un paradis perdu.

Au-delà de l’histoire, tragique et simple comme un accident, c’est cette puissance formidable de l’amour et de la vie qui souffle comme ce vent puissant monté de l’océan à la conquête des sables : les personnages sont multiples, et certains sont pétris de cette humanité du quotidien, l’écoute et l’amour d’autrui, le devoir de solidarité, ce qui permet à l’homme de tenir bon malgré les aléas du temps, face au malheur, face à la pauvreté, face au mal. On devine que cet inépuisable réservoir d’humanité et d’écoute est aussi le secret du travail de l’écrivain : il se niche dans l’écriture elle-même, dans cette attention à ce qui tisse la trame de nos vies.

On ne repose pas Parias comme on l’a pris : c’est un livre qui nous apprend beaucoup, à la fois sur notre temps et sur notre avenir, un livre qui est comme une leçon de vie, un roman qui restera parmi les œuvres qui nous aident à tenir debout et à garder le cap sur l’essentiel.

Un mot encore sur l’éditeur, Sabine Wespieser, rue Séguier, à Paris, car la qualité de l’édition est à la hauteur du verbe de l’écrivain : le livre est un objet précieux, rare et beau dans sa facture et son élégance. Écrin parfait qui répond à l’écriture exacte d’un romancier hors du commun.

Olivier Zegna-Rata  Afrik.com  22 février 2021

Beyrouk, Parias, Sabine Wespieser éditeur, Paris, 2021

 

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