Un conte touareg
-Massif de l'Aïr, Niger -
Un homme extraordinaire
Cela faisait sept mois que le malade ne levait plus la tête. Son état était désespéré. Tout le monde venait lui rendre visite. C'était un homme très estimé. Il était intègre, serviable et généreux.
A sa mort, ses proches pénétrèrent dans la tente pour sa toilette. Ils en sortirent aussitôt : «Il y a un problème», dirent-ils Les sages se réunirent. C'était vraiment mystérieux. L'homme avait tout d'un mort. Mais son organe génital était en érection et soulevait le linge qui le recouvrait. Ne pouvant rien faire pour l'apaiser, ils appelèrent son épouse. Ils lui demandèrent de se comporter de façon à soulager son défunt époux. La femme, soumise, accomplit ce qu'on lui demandait. On vérifia le résultat. Cette fois, c'était fini. L'homme était bien mort. Tous les connaisseurs furent formels.
Neuf mois plus tard, la fidèle épouse donna naissance à un joli bébé. Le temps passa, l'enfant grandit. Adolescent, il conduisait les animaux de sa mère au pâturage. Là, il rencontrait des enfants méchants qui s'amusaient à lui faire du mal. Comme il n'était pas bagarreur, il se laissait frapper. Mais tous ceux qui portaient la main sur lui tombaient dans un grand malheur : bras cassé, maladie, cheptel décimé... Finalement, tout le monde se méfia de lui et se mit à le respecter.
Avec la maturité, l'homme devint sage et son intelligence étonna les plus instruits.
Un jour, des bandits en furie déferlèrent dans le campement; ils rassemblèrent hommes et femmes d'un côté et le cheptel de l'autre. Notre homme refusa tout net de les suivre. Les brigands voulurent le molester, mais ceux qui tentaient de porter la main sur lui tombaient dans une crise d'épilepsie. Les brigands, pas rassurés, trouvèrent le salut dans la fuite, abandonnant leurs complices en transe.
L'histoire fit le tour des tribus. L'homme fut craint et respecté. C'était un homme de paix qui refusait guerre et rezzous.
C'était mal connaître les seigneurs des tribus belliqueuses. A chaque conflit, l'homme s'offrait en médiateur. Certains chefs, ne respectant que la loi du sabre, refusaient de l'écouter. Ils tombaient aussitôt dans un grand malheur. Ils souffraient subitement d'incontinence urinaire qui ne s'arrêtait que lorsque l'homme offrait son pardon.
Personne ne veut être un héros dégoulinant d'urine. Alors les plus belliqueux retrouvaient la voie de la sagesse, grâce à cet homme extraordinaire.
On appela ce héros sans sabre «Alher», l'homme de la paix.
C'est ainsi qu'en ce temps là, dans tout l'Aïr, la paix s'installa.
Source : L'APT en collaboration avec l'UNESCO
Illustrations : Boutibou et A.Tambo